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Le constat est ahurissant: 99 % des vignes plantées aujourd’hui ne vivront pas plus de 25 à 30 ans. La fameuse phrase «seule la vieille vigne donne du grand vin» perd ainsi tout son sens.

30 ans que j'évolue dans le monde viti-vinicole. Je goûte des milliers de vins par an. Je connais la plupart des procédés de vinification par cœur. Je sais distinguer un vignoble bien tenu d’un champ de maïs et même une bonne taille d’une taille inappropriée. Je sais que toutes nos vignes sont issues de variétés européennes greffées sur des racines de ceps américaines, solution miracle pour combattre le méchant phylloxéra. La seule question que j’ai soigneusement évité de me poser jusque là: Mais elle vient d’où, cette vigne? C'est pourtant simple. 99 % des vignes aujourd’hui plantées sont des greffées-soudées issues des pépinières spécialisées et bien sûr garanties exemptes de viroses et autres problèmes de dégénérescence. Il vivront heureux pendant des dizaines d’années. (*1)

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J’y croirai certainement encore si je n’avais pas rencontré, un peu par hasard, un homme qui a complètement changé ma manière de voire la viticulture: Marc Birebent, directeur de la société worldwide vineyards, spécialiste mondialement connu du greffage au champ, fils de Paul, «un des meilleurs vignerons du monde», selon le Professeur Denis Boubals, agronome de renommée. Son constat, confirmé par des chiffres officiels, est sans équivoque: nos plants certifiés meurent prématurément, après seulement 25 à 30 ans. Qui a parlé d’une viticulture durable?

Il y aurait pourtant une solution simple : le retour au greffage manuel plus doux, effectué directement au champ. Mais plus personne ne sait greffer. Plus personne? Une petite poignée d’hommes et de femmes résiste à l’invasion du greffé-soudé : l’équipe de worldwide vineyards, dirigée par Marc Birebent.

73 % du vignoble français est touché par les maladies du bois, dont le tristement célèbre Esca. 12 à 15 % des ceps ne produisent plus de raisins. Ce fléau coûte environ six millions d’euros par an à la France.

Partout où je vais, on me montre fièrement de vieux ceps noueux plantés par le grand-père ou l’arrière grand-père, calcule à haute voix l’âge moyenne de ses vignes, qui atteint bien sur un demi siècle, vante l’enracinement profond de ses pieds qui vont chercher leur nourriture dans le ventre de la terre et résistent ainsi à tous les aléas climatiques.

Mais notre vignoble n’est pas en bonne santé. Presque trois quarts du vignoble français sont touchés par les maladies du bois, dont le tristement célèbre Esca. 12 à 15 pour cent des ceps ne produisent plus de raisins. En France, ce fléau coûte environ six millions d’euros par an. Les voisins ne s’en sortent guère mieux. Il y a une raison à cela et des solutions durables assez simples. La raison, d'abord. Lors de l’opération du greffage mécanique, le tissus de la plante est blessée et cicatrice mal. Du bois mort se développe à l’intérieur du point de greffe. Du bois mort dont l’Esca (comme (d’autres champignons du bois) se nourrit. Le dépérissement de la vigne concerne presque exclusivement des vignes greffées-soudées en pépinière et des sélections clonales. En évitant la greffe mécanique et en pratiquant des sélections massales, on évite les maladies du bois et donc le dépérissement.

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En 1924, dans son ouvrage «Parasites et plantes greffées», le Professeur Lucien Daniel avertit le monde viticole : «il est aujourd’hui démontré, à part quelques rares exceptions, que le greffage est une opération débilitante, qui expose les deux plantes aux attaques plus vives des parasites animaux et végétaux et les fait mourir plus promptement».

L’incidence du greffage sur la résistance et la santé de la plante est donc connu de longue date. Les greffes les plus modernes, notamment celle en oméga, ont pour seul avantage de garantir des cadences et des rendements industriels avec du personnel bon marché et sans formation. Elles consistent en des coupes transversales brutales qui déchirent les fibres végétales et ne permettent pas d’ajustements cambiaux optimaux. Il faudrait pour cela des matériels de même diamètre et de même conformation, ce qui est impossible dans le cadre d’une production de masse.

Les greffes «à l’œil» (dites aussi «au bourgeon», ou encore «en écusson») sont des greffes manuelles. Hautement respectueuses du végétal, elles sont pratiquées depuis l’Antiquité en arboriculture et en horticulture.

Les spécialistes de worldwide vineyards pratiquent cette méthode avec succès depuis plus de 30 ans. Soucieux de l’avenir de leur vignoble, de nombreux producteurs dans le monde entier font appel à eux, du plus petit domaine au grand cru classé.

Nous avons recommencé à labourer, banni les herbicides, limité les insecticides, appris à tailler de manière plus douce; nous nous remettons à utiliser la traction animale, semons des fèves dans les rangs des vignes, plantons de haies - le prochaine pas consiste à nous réapproprier l'art du greffage manuel de la vigne.

worldwide vineyards n’est pas seulement une société de prestation de services. Le conseil et la formation font partie intégrante de son activité. Marc Birebent rêve d’un avenir ou le vigneron consciencieux réapprendra à grever lui-même, rendant inutile la nécessité d’intervenir en prestataire de service. Il enseigne deux méthodes de greffage: les techniques dites du T-Bud (fente en T) et du chip-Bud (fente en forme de chips). Ces mêmes techniques sont utilisés par les spécialistes expérimentés de worldwide vineyards, qui travaillent sous sa direction dans le monde entier.

 «Si nous voulons léguer des vignes pérennes à nos enfants, nous devons nous réapproprier l’art du greffage» souligne Marc Birebent. Et cite Gustave Foex, Professeur de l’École d’Agriculture de Montpellier, qui écrit en 1895: «Nous autres vignerons, petits propriétaires, faisons nos greffes et faisons-les avec nos propres bois, avec nos porte-greffes à nous, surmontés de nos greffons à nous. C’est le seul moyen de réussir».

Marc Birbent greffage taille seve 35

Portraits

Marc Birebent [Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.]
Marc Birebent est issu d’une longue lignée de vignerons. En 1997, il prend la direction de la société worldwide vineyards. Depuis, il ne cesse de promouvoir, avec ses travaux pratiques dans le monde entier et lors de stages de formation, des techniques de greffage respectueuses du végétal, qui elles seules permettent d’établir des vignobles durables et de qualité.

Worldwide vineyards [www.worldwide-vineyards.com]
Paul Birebent, le père de Marc, consultant viticole de renom, fonde sa société en 1985. Marc Birebent lui succède et recentre l’activité sur le service de greffage (surgreffage, regreffage) en place, sur des vignes déjà enracinées. Grace à son expérience, worldwide vineyards démontre clairement que les problèmes d’apoplexie et de dépérissement de la vigne deviennent anecdotiques, si les techniques de greffage appropriées sont adoptées.

Rolf Bichsel [Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.]
Photographe de talent, dégustateur reconnu, chroniqueur, auteur d'une douzaine de livres sur le vin et d'innombrables articles sur le sujet depuis trente ans, Rolf Bichsel fait partie des icones du journalisme viti-vinicole en Europe. Pour ce pianiste de formation, compositeur, féru de nouvelles technologies, mais aussi jardinier à ses heures et fin gourmet, le vin n'est pas une fin en soi, mais fait partie intégrante de notre culture. Né près de Berne en Suisse, il vit et travaille à Bordeaux et dans le Sud-Gironde. 

*1) En fait, il ne s'agit que de mots creux, et trompeurs, car le matériel n'est surtout pas garanti, et il n'a de «certifié» que le nom. Il n'est nulle part écrit de quoi il est certifié. Selon le Larousse, «certifié» signifie «porteur d'un certificat». On laisse accroire qu'il s'agit d'une exemption de viroses etc. mais ce n'est pas vrai. Ces matériels sont souvent virosés. Le taux de contrôle de France Agrimer (l'Onivins à l'époque) était il y a quelques années de 5 pour cent. Ils ne sont ni garantis, ni certifiés, mais assurément biodégradables!

Crédit photo - Picture by Rolf Bischel – Vinmedia 2017